Repenser la production des savoirs et l’Innovation. L’Afrique au carrefour des renouvellements épistémologiques   

2019-12-17

 

Le projet de ce volume s’inscrit dans la volonté de participer, du point de vue des études africaines, au renouvellement des savoirs, dans un monde qui doit se réinventer face aux grandes crises qu’il traverse. La négation de la participation de l’Afrique au développement du monde est devenue proverbiale, et Aimé Césaire, dans son Cahier d’un retour au pays natal n’a pas manqué de l’inclure dans la revalorisation du nègre. Sauf que ce geste était plus un défi qu’une déclamation poétique et identitaire finale. Stuart Hall – entre autres - n’a-t-il pas, dans une pensée qu’on qualifierait aujourd’hui de décoloniale, revendiqué une meilleure considération de la contribution des Noir.e.s, des diasporas africaines, à la modernité occidentale? La publication envisagée ne s’inscrit pas dans une perspective – certes importante mais restrictive – de donner à nouveau une réplique à qui que ce soit,  ni de demander une plus grande place dans la case épistémologique occidentale ou ailleurs. Il s’agit, de manière plus ouverte, de penser plus du point de l’Afrique comme lieu de savoir et, fondamentalement, de reconsidérer les paradigmes et les savoirs en cours dans différentes disciplines, mais aussi de proposer de nouvelles manières de penser, de faire la recherche et de produire des savoirs. 

Historiquement, ce défi précédemment du « nègre debout » chez Césaire, (debout avec son pays, son continent), a été relevé en plusieurs étapes : 1) la mise de l’avant du sujet africain par le biais de la négritude; 2) la déconstruction des grands récits, en particulier occidentaux, sur « l’Afrique des ténèbres », sous la forme de la « grande herméneutique » (Mudimbe – Mbembe etc.); 3) plus récemment, l’expression de plusieurs approches prenant l’Afrique comme centre, dans son historique rattachement à l’histoire et au devenir du monde (Mbembe – Sarr – Miano etc.). 

C’est dans cette étape d’une pensée afro-mondiale qui, décomplexée et forte des acquis et querelles théoriques antérieures, que se formule la nécessité de s’attaquer de manière audacieuse aux paradigmes avec lesquels ont été produits les savoirs dominants sur l’Afrique et sur le monde en général. 

Le but du présent volume est donc de réunir des contributions de chercheur.e.s travaillant sur l’Afrique, et désireux de faire le lien entre Afrique et innovation, du point de la discipline et des objets qui sont les leurs. En clair, il s’agit de voir de quelle manière le concept d’innovation et ses corolaires (invention, création, originalité etc.), tels que véhiculés dans les différentes disciplines, peuvent ou doivent être repensés pour : 

-rendre justice aux savoirs, pratiques et objets africains et afrodescendants 

-faciliter la circulation des savoirs 

-s’incarner dans les institutions d’enseignement et de recherche 

–nourrir des recherches de manière à produire de nouveaux savoirs qui seront forcément plus diversifiés etc. 

On ne s’empêchera pas de penser les modalités de la validation, de la mise en circulation et de la visibilité des savoirs dans les systèmes et circuits actuels, dont les désavantages pour les études et les savoirs africains sont dénoncés de plus en plus. Mais, il sera tout aussi utile de faire des propositions fortes et audacieuses sur des manières alternatives de fonctionner. 

A priori, on pourrait penser par exemple que le simple fait de s’efforcer de penser l’innovation et l’Afrique en dehors des avenues historiquement bien tracées ouvrirait des perspectives originales : Afrique-Asie, Afrique-Amérique latine, l’Afrique et ses diasporas, notamment caribéennes, etc. La même démarche de déviation des avenues fortement codifiées dans la production des savoirs pourrait s’appliquer au découpage des disciplines et à leur enseignement, tels que les universités et écoles africaines les importent et les reproduisent sur le continent d’une part; et d’autre part, tels que les institutions non-africaines les ont définies, suivant des intérêts qui sont logiquement souvent très loin des préoccupations africaines. 

Les contributions, d’une longueur comprise entre 20 000 et 40 000 caractères (espaces compris), devront certes avoir une teneur théorique, mais elles peuvent aussi partir ou se bâtir sur des cas particuliers. 

Politique éditoriale : Les résumés seront traduits dans au moins deux langues africaines, par nos soins, avec votre collaboration, dans la mesure du possible.   

*La date de soumission de propositions pour cet appel est échue.