Les Nations Unies, le droit international des droits humains et les autorités locales: quel dialogue?

Auteurs-es

  • Lucie Lamarche Université d'Ottawa
  • Touwendé Roland Ouédraogo candidat au doctorat, UQAM
  • Camille Fournel MA Candidate at the Norman Patterson School of International Affairs (NPSIA), Carleton U

Résumé

Selon les Nations Unies, 68% de la population mondiale vivra en milieu urbain en 2050. Les autorités locales sont donc de plus en plus interpellées en matière de respect des droits humains. La situation est d'autant problématique que cette densification urbaine correspond au mouvement de dévolution des responsabilités centrales vers les autorités locales et à celui de l'attrition des ressources conséquentes. Dans ce contexte, s'est créé le mouvement de la Ville pour les droits humains, de plus en plus institutionnalisé. Ce mouvement pose clairement l'enjeu du rapport entre les autorités locales et le droit international des droits humains. Malgré la théorie classique de la responsabilité centrale, voir exclusive, de l'État en droit international, peut-on concevoir une imputabilité locale à l'échelle internationale lorsqu'il s'agit des droits humains dans la ville ? En 2015, le Conseil des droits de l'homme des Nations Unies s'est mis en quête d'une réponse à cette question. Il propose que les autorités locales partageraient au moins un devoir de coordination en la matière avec les autorités centrales et favorise à cette fin la constitutionnalisation des devoirs des autorités locales. Cet article propose une évaluation empirique de la réception par les organes de droits humains des Nations Unies de cette proposition. Il procède à une vérification in concreto du travail de ces organes: les organes de traités et les observations finales et générales adoptées par ceux-ci et le Conseil des droits de l'Homme par la voie de l'Examen périodique universel (ÉPU). Enfin, l’analyse tient aussi compte es interventions de la société civile. Plus de 1 000 entrées ont été analysées pour la période 2009-2018. L'analyse mène à des conclusions très prudentes et peu novatrices. Les organes de traités hésitent à approfondir la problématique des relations entre l'État central et les autorités locales lorsqu'il s'agit de l'imputabilité des acteurs publics en matière de droits humains sur la scène internationale. Dans certains cas toutefois, ils acceptent de faire écho à l'invitation du Conseil des droits de l'homme qui encourage une meilleure coordination, voire une coordination constitutionnalisée, entre les autorités centrales et locales. Des nuances s'imposent toutefois envers certains droits dont les droits économiques et sociaux des populations vulnérables dans la ville. Dans ce dernier cas, l'analyse du travail de certains comités, dont le Comité des droits économiques, sociaux et culturels et le Comité des droits de l'enfant offrent des ouvertures intéressantes. Le Conseil des droits de l'homme, via le mécanisme de l'ÉPU, mise pour sa part sur le besoin d'une coordination intra-étatique et multiniveaux en matière de réalisation de droits humains, tel qu'il la pose dans son Rapport de 2015. Enfin, la société civile, dans ses interventions auprès des organes de traités, n'interpelle que de manière marginale, la responsabilité directe des autorités locales sur la scène internationale lorsqu'il s'agit des droits humains dans la ville. Somme toute, notre analyse nous amène à conclure à une certaine étanchéité entre le travail politique et le travail de contrôle des normes de droits humains au sein des Nations Unies lorsqu'il s'agit des droits humains dans la ville et de l'imputabilité des autorités locales. Cela pourra rassurer les internationalistes mais ne dispose pas de la dynamique incontestable du déplacement des problématiques de droits humains vers la ville.

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Publié-e

2022-09-23