Ekalavya ou les dilemmes des Ādivāsī dans les institutions éducatives nationales (Inde)
Publié-e 2024-12-15
Mots-clés
- Inde,
- Ādivāsī,
- éducation,
- Odisha,
- Gujarat
Comment citer
© Revue interdisciplinaire sur l'Asie du Sud 2024
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Résumé
Ekalavya est le nom choisi pour des internats gouvernementaux réservés aux enfants dits « tribaux » ou autochtones/indigènes (ādivāsīs) d’Inde centrale. Ce nom renvoie à un personnage de l’épopée du Mahabharata, bien connu en Inde, qui incarne l’élève modèle et est communément identifié à un prince ādivāsī. Or ce choix est plus ambivalent qu’il n’y paraît de prime abord et paraît résumer la situation des ādivāsīs face au système éducatif indien. Le présent article aborde ce sujet à travers deux parties : la première, historique, fournit des éléments de cadrage, depuis les écoles missionnaires chrétiennes et les essais d’institutions ādivāsī autonomes jusqu’aux débats autour d’une éducation « indigène » nationale chez Tagore, Gandhi et Thakkar. Nous nous concentrerons sur la réinvention par ces auteurs de l’institution de l’ermitage ou ashram, en lien avec l’enjeu politique que représentaient les Ādivāsīs dans les années de préindépendance du pays. Ces débats ont préparé la rédaction des articles sur l’éducation primaire des Scheduled Tribes (catégorie constitutionnelle des Ādivāsī) dans la Constitution de l’Inde, qui sera l’objet de la seconde partie du présent article. Cette partie, plus ethnographique (travail de terrain en Odisha principalement), montrera surtout que ces « provisions » légales restent peu appliquées, les écoles primaires en zone ādivāsī souffrant de problèmes récurrents depuis des décennies. L’examen final de deux types d’institutions scolaires et universitaires dédiées aux Ādivāsīs (Tejgadh au Gujarat, Bhubaneswar en Odisha) mettra en relief leurs philosophies contrastées et les intérêts qu’elles servent. Xaxa (2008) parle, pour ces régions, d’une politique d’assimilation silencieuse des jeunes ādivāsīs plutôt que d’une intégration. Nous essaierons de montrer que cette politique s’enracine dans une conception indienne ancienne du processus de « civilisation » actualisée par les discours sur le développement.