Docteure en ethnologie, mes recherches portent sur la santé de la reproduction et sur les configurations matrimoniales liées au manque de femmes en Inde du nord.
Dans ma thèse, j’explique en quoi la santé de la reproduction constitue un sujet d'inquiétude grandissant en Inde. Outre les forts taux de mortalité maternelle et infantile - que le gouvernement central tente activement de juguler depuis 2005 -, l’Inde est confrontée à un important accroissement démographique, à une instrumentalisation politique des différences entre les taux de fertilité hindous et musulmans et à un problème de déséquilibre du sex-ratio infantile (919 filles pour 1000 garçons) qui persiste en dépit des législations interdisant l’avortement sélectif féminin. À partir d'une enquête de près d’un an et demi dans un hôpital public d’obstétrique et dans des bidonvilles de Jaipur (Rajasthan), je montre que les décisions qui ont trait à la santé de la reproduction résultent de préconisations multiples faites d’aspirations individuelles, de résolutions familiales, de recommandations médicales et de normes nationales souvent divergentes et difficiles à concilier. Grâce au soutien de trois prix de thèse (La Chancellerie de Paris, AMADES, GIS Asie), cette recherche a donné lieu à un ouvrage intitulé Du bidonville à l'hôpital. Nouveaux enjeux de la maternité au Rajasthan et publié aux Éditions de la FMSH en 2019. Cet ouvrage montre en quoi les programmes de santé censés garantir l'accès gratuit aux soins obstétriques, renforcent les stéréotypes existants et tendent, paradoxalement, à rendre les bénéficiaires les plus vulnérables davantage conscients des inégalités socio-économiques.
La même année, j’ai élargi la focale en coordonnant avec Bertrand Lefebvre et Fabien Provost un numéro spécial L’hôpital en Asie du Sud au sein de la collection Purushartha.
Au cours d’un double post-doctorat à l’Université de Zurich (d’abord au département d’anthropologie avec Johannes Quack, puis dans le cadre d’un projet du Fonds National Suisse à l’Institut d’études asiatiques et orientales avec Nicolas Martin), je me suis intéressée à l’une des principales conséquences du déséquilibre du sex-ratio : la difficulté des hommes à trouver des épouses dans certaines régions du nord de l’Inde. L’objectif de cette nouvelle recherche était double : appréhender comment l’expérience du célibat contraint était vécue et comprendre dans quelle mesure la pénurie d’épouses incitait les hommes et leur famille à reconsidérer les normes habituelles du choix du conjoint en matière de classe sociale, d’appartenance de caste et de confession religieuse.
Recrutée comme chargée de recherche CNRS en janvier 2021, j’ambitionne désormais d’explorer la façon dont les Jats, une puissante caste de propriétaires terriens souvent qualifiée de « dominante », réagissent face aux défis sociaux (ascension des basses castes, urbanisation), économiques (crise agricole, réformes néolibérales) et démographiques (fort déséquilibre du sex-ratio) qui menacent leur place dans les hiérarchies de castes et de classes locales du Punjab indien.